NOUS PLEURONS NOTRE FILLEUL KANTRA

Nous avons appris son décès le lendemain de Noël. C’est sa marraine qui a envoyé un message pour dire que Kantra allait lui manquer depuis sa mort.

Il s’est jeté sous un train en région parisienne. Beaucoup d’entre-nous ont découvert le visage de ce filleul et les larges sourires des enfants de sa famille d’adoption nîmoise, sur la photo qui accompagnait cette information dramatique, confirmée cet après-midi.

« C’est comme si on avait tué l’un de mes gosses » disait un sympathisant proche de notre association.

En mettant en place le projet de parrainage des mineurs non-accompagnés du Gard, nous nous attendions à vivre des moments compliqués, douloureux ou de déchirement. Mais nous n’imaginions pas le suicide de l’un d’entre-eux. Comment ne pas être affecté par la douleur de la famille qui a parrainé Kantra pendant plusieurs mois ? On pense immédiatement à la suite : trouver le moyen et les mots pour prévenir sa famille restée au pays. Que dire à cette mère malienne qui a déjà pleuré le départ de son enfant pour lui donner une chance de s’épanouir et de grandir dans de meilleures conditions que celles offertes dans son pays ? La réalité se rappelle à nous : les autres jeunes qui le connaissaient sont bouleversés et traumatisés. C’est une nouvelle épreuve morale que ces ados subissent après avoir erré dans plusieurs pays et connu les pires horreurs que l’on voudrait épargner à tout enfant. Les copains de Kantra sont certainement apeurés par un destin auquel tous veulent échapper : celui de se retrouver, à l’aube de leur majorité, sans papier, SDF et sans avenir dans un pays qui peine à leur faire une place.

Ces jeunes mineurs non-accompagnés sont une chance pour notre pays.

La richesse de leur expérience, leur résilience et leur humanité sont des atouts pour notre société. Nous devons nous donner les moyens de leur offrir un accueil digne de celui que nous voulons pour nos propres enfants. On est loin du compte.

Après notre stupéfaction, nos larmes et notre tristesse, c’est la colère qui prend le dessus. La colère d’une actualité qui continue un peu plus à stigmatiser les étrangers, même les enfants loin de toute famille. Une actualité qui nous informe des méthodes mises en place pour se débarrasser d’une population qui nous appelle à l’aide.

Nous ne nous résignerons pas.

Tests osseux pour prouver l’âge, enquêtes zélées pour authentifier les certificats de naissance… nous refusons les méthodes lâches des pouvoirs publics qui font tout pour empêcher d’insérer ces jeunes dans notre société.

En ralentissant les autorisations administratives pour des raisons fallacieuses, les autorités publiques se rendent coupables de créer les conditions à l’origine de drames humains. Sans ces autorisations et malgré l’énergie déployée par ces jeunes et leur entourage, aucune solution d’intégration n’est possible par le travail, l’apprentissage ou la formation… Ceci réduit d’autant la possibilité pour ces jeunes d’obtenir une carte de séjour à leur majorité. Pour beaucoup d’entre-eux dans cette situation, c’est la clandestinité qui les attend.

C’est ce parcours qui a amené Kantra à rejoindre Paris.

Il n’est pas possible qu’il y ait d’autres Kantra. Nous demandons à ce que tous les jeunes mineurs non-accompagnés disposent de l’accès à l’éducation et à l’insertion que la loi est sensée permettre.

Ces enfants sont les nôtres, c’est ça aussi la Fraternité.

L’association Ados Sans Frontière.

 

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